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Interview/ Mme AWILI Prénam, Coordonnatrice du Programme National des Plateformes Multifonctionnelles (PN-PTFM) : «…Objectif 1000 plateformes multifonctionnelles à l’horizon 2018. »

Officiellement lancé en mai 2011 par le Président Faure GNASSINGBE, le Programme National des Plateformes Multifonctionnelles, principalement exécuté sur fonds de l’Etat avec le soutien de certains partenaires, vise à doter plusieurs localités à travers tous le territoire national de 1000 Plateformes multifonctionnelles à l’horizon 2018. A quoi servent effectivement ces installations ? Qui sont les bénéficiaires et quels bilan, défi et perspectives après cinq ans d’exécution, telles sont entre autres les préoccupations qui ont inspiré cette interview accordée à  notre confrère Togoreveil par Mme AWILI Prénam, Coordinatrice du PN-PTFM. Lecture !

 Madame la Coordinatrice bonjour ! Pouvez-nous parler du Programme National de développement de la Plateforme multifonctionnelle (PN-PTFM) dont vous assurer la coordination ?

C’est à partir de 1994, que le concept de la Plateforme Multifonctionnelle (PTFM) a vu le jour en Afrique. Et le Mali fut le premier pays à avoir initié une démarche plateforme en Afrique. Le Togo est véritablement rentré dans la démarche à partir de 2011 avec la collaboration du PNUD qui a accompagné toute la phase pilote de cette approche. La phase d’expérimentation avait suscité un réel engouement des populations bénéficiaires, un fort engagement des acteurs locaux et un intérêt manifeste de la part des partenaires. Ceci a motivé la volonté politique qui s’est traduite par la décision de faire du développement de la plateforme multifonctionnelle, un programme national en vue de l’accélération de la lutte contre la pauvreté.

Comme on le remarque, la pauvreté au Togo reste un phénomène principalement rural quoi qu’on dise.  En plus de cela, les populations rurales sont affectées par le phénomène de la pauvreté énergétique qui constitue un obstacle à l’implantation des outils modernes de transformation des produits agricoles. Cette dimension de la pauvreté constitue un réel frein au développement local, par la sous valorisation des productions locales. Ainsi donc, l’ampleur de la pauvreté en milieu rural se voit accentuée par le manque de services énergétiques.

Le programme national de la PTFM a été proposé par l’Etat togolais comme l’une des réponses pour pallier cet état de fait. Ce programme a été lancé par le Chef de l’Etat en mai  2011 pour un objectif de 1000 Plateformes multifonctionnelles à l’horizon 2018. C’est un programme qui couvre toute l’étendue du territoire et qui est géré par une Cellule de coordination travaillant en étroite collaboration avec des Agences de Relais Locales : Nous avons l’ONG PASYD dans la région maritime, AGAIB dans la Région centrale et des Plateaux, l’ONG PADES dans la Région de la Kara et RAFIA dans les Savanes. Ce sont ces partenaires institutionnels qui assurent le suivi-accompagnement de proximité dans les communautés bénéficiaires. Ces ONG jouent le rôle de structures d’appui conseil.

A ce jour le programme est exécuté principalement sur fonds de l’Etat avec l’appui technique et financier du PNUD, de la BOAD et de l’Ambassade de Suisse. 210 PTFM sont installées au jour d’aujourd’hui et une centaine d’autres sont en cours d’installation.

C’est bien évidemment un programme qui cadre parfaitement avec le projet social du Chef de L’Etat et qui va contribuer également à la réalisation des Objectifs du Développement Durable (ODD), notamment les objectifs 1 (Pas de pauvreté), 5 (Egalité entre les sexes) ,7 (Energie propre et d’un coût abordable) et 8 (Travail décent et croissance économique).

Qu’est-ce qu’une Plateforme Multifonctionnelle ?

La plateforme multifonctionnelle est définie comme une force motrice constituée d’un moteur auquel sont raccordés divers équipements (modules) destinés à assurer une multitude de services énergétiques financièrement abordables tels que la mouture de céréales, le broyage de karité, le décorticage de riz ou maïs, la charge de batteries et de téléphones portables, la soudure etc. Elle est donc considérée comme une infrastructure d’énergie décentralisée au sein du village, conçue pour se substituer à la force motrice des femmes et des hommes qui se trouvent particulièrement au plus bas de l’échelle énergétique. Elle utilise des sources d’énergie variables (diesel, solaire, biocarburant, biogaz) qui peuvent faire fonctionner différents outils soit de manière simultanée, soit l’un après l’autre. La plateforme multifonctionnelle peut également produire l’électricité nécessaire au fonctionnement de mini-réseau électrique ou d’adduction d’eau potable simplifiée.

Pourquoi une plateforme multifonctionnelle ?

AWILI Prénam : Le concept de plateforme multifonctionnelle repose sur la corrélation entre certaines dimensions de la pauvreté qui touchent particulièrement les femmes et les filles d’une part, et d’autre part les activités domestiques auxquelles elles sont astreintes et qui se caractérisent par une dépense de temps et d’énergie humaine. La plateforme a donc été conçue pour se substituer à la force motrice humaine afin de libérer les femmes et les jeunes filles des corvées longues et pénible qu’elles étaient obligées d’exécuter manuellement et qui ne sont pas rémunérées.

Originellement, la plateforme multifonctionnelle a été conçue pour alléger le travail pénible des femmes. Avec le temps la plateforme est passée de l’allégement des femmes à la fourniture des services énergétiques.

C’est pour cette raison que la plateforme multifonctionnelle est considérée aujourd’hui comme une infrastructure d’énergie décentralisée au sein du village.

Quels sont les critères de choix des villages ou des localités bénéficiaires  d’une plateforme ?

AWILI Prénam : La sélection des villages pour l’obtention d’une plateforme multifonctionnelle repose sur un certain nombre de critères :

  • la vulnérabilité de la communauté : On regarde le niveau d’enclavement par rapport au réseau électrique conventionnel et au programme d’électrification rurale. il s’agit des localités situées dans des zones enclavées et défavorisées, en termes d’accès aux services sociaux de base, tels que l’électricité et l’eau potable par exemple.

 

  • La densité démographique de la localité : le programme cible les villages dont la taille de la population est comprise entre 500 et 2000 habitants.

 

  • les potentialités économiques de la zone :le choix est porté sur les localités où on note une forte disponibilité des produits agricoles, une importance des besoins en transformation et une forte demande des services énergétiques.

 

  • l’engagement de la communauté à contribuer à l’acquisition de la plateforme : l’adhésion de la communauté bénéficiaire est un facteur de réussite. Il est demandé aux bénéficiaires de contribuer par la construction de l’abri qui doit abriter la plateforme.

 

  • Le Groupement demandeur doit être légalement constitué et structuré :Prioritairement il s’agit des groupements féminins. Ils doivent disposer de leurs statuts, règlement intérieur et du procès-verbal de l’assemblée générale constitutive du groupement.

 

Revenons sur l’installation de ces plateformes multifonctionnelles. Quelles sont justement les étapes dans l’installation d’une plateforme multifonctionnelle ?

Etape 1 : Information et sensibilisation : il s’agit de faire passer l’information concernant le programme afin de susciter les demandes auprès des communautés.

  • Etape 2 : Réception des demandes :Les différentes demandes manuscrites provenant des Communautés sont centralisées au niveau des Cellules d’Appui Conseil.
  • Etape 3 : Etude des demandes :les demandes sont étudiées suivant les critères prédéfinis en vue de la sélection
  • Etape 4 : Pré-étude :elle est réalisée dans le village demandeur pour collecter les premières informations sur la taille de la population, les villages avoisinants, la cohésion du groupe demandeur et de la communauté, la chefferie, le taux d’alphabétisation, etc. Si la pré-étude est concluante, le processus se poursuit avec la réalisation d’une étude de faisabilité participative. La demande sélectionnée dont la pré-étude n’est pas concluante est classée.
  • Etape 5 : Etude de Faisabilité Participative (EFP) :c’est un ‘‘business plan’’. les études de faisabilité participatives sont réalisées dans les villages afin de déterminer la rentabilité et la durabilité technique, économique et sociale de la plateforme ainsi que l’engagement de la Communauté à contribuer à l’acquisition de la plateforme. A cette étape, on connait les potentialités de la zone et les modules à installer au cas où l’étude est concluante. Dans ce cas, une feuille de route est établie avec le village pour déterminer les responsabilités pour la suite du processus. La localité dont l’Etude de faisabilité participative n’est pas concluante est classée
  • Etape 6 : Construction de l’abri :Une fois que les différentes études prouvent que nous pouvons implanter la plateforme, la communauté commence la mobilisation des ressources pour construire l’abri suivant un plan architectural que le programme met à la disposition. L’abri doit être construit sur un site non litigieux et bien convenu avec les autorités locales et administratives.
  • Etape 7 : Acquisition et implantation des équipements :pendant que la communauté s’attèle à l’érection de l’abri qui doit accueillir la plateforme, la commission de passation de marché lance la commande d’achat des équipements en respectant les procédures de passation des marchés. La réception provisoire est prononcée en présence du fournisseur, de l’artisan local, d’un membre de la passation des marchés, du Responsable technique et des bénéficiaires.
  • Etape 8 : Mise en place d’un comité de gestion et formation : Une fois la plateforme installée, le comité de gestion choisi parmi les membres des groupements porteurs de la plateforme est mis est place. Les membres du comité de gestion sont élus suivant des critères propres à chaque poste. (présidente, secrétaire, secrétaire-caissière, meunière etc.). Ils sont formés sur la gestion technique et opérationnelle. La gestion technique porte sur l’utilisation des différents modules. La gestion opérationnelle concerne les outils de gestion mis en place et qui doivent être remplis quotidiennement. Ceci pour renseigner sur la quantité des matières qui sont passées sur chaque module, sur les recettes générées par chaque module, la quantité d’huile (gasoil) utilisé, la durée du travail (le nombre d’heure que le moteur a tourné) etc.
  • Etape 9 : Promotion des AGR :Identification des AGR rentables, gestion de micro crédits.
  • Etape 10 : Suivi- évaluation : Le dispositif de suivi évaluation est mis en place pour l’autonomisation des bénéficiaires (autonomie organisationnelle, technique, financière etc.). Dans ce dispositif de suivi-évaluation, les animateurs et les artisans jouent un rôle primordial.

 

 

Au lancement du programme en 2011, il était prévu l’installation de 1000 Plateformes à l’horizon 2018, après cinq années de mise en œuvre du programme quel bilan dressez-vous?

AWILI Prénam : Effectivement au lancement du programme, il avait été annoncé 1000 plateformes multifonctionnelles  à l’horizon 2018. Il faut souligner que sur les 1000, la BOAD s’est engagée à en financer 200. Sur ce financement de la BOAD exécuté par le Programme d’Appui au Développement à la Base (PRADEB), 100 PTFM sont déjà installées et une centaine en cours d’exécution. En dehors de la BOAD, il ya l’Ambassade de Suisse qui a financé 2 Plateformes. Il y a eu également une synergie d’action avec le Groupe Bolloré pour la réalisation d’une plateforme solaire avec réseau d’adduction d’eau potable simplifiée.

Le PNUD s’est particulièrement investi dans la phase pilote du programme et accompagne l’Etat chaque année dans la gestion de ce programme.

A ce jour le Togo compte 210 PTFM installées sur toute l’étendue du territoire avec une Plateforme solaire et un micro réseau électrique.

Pour le compte de l’année 2016, 60 PTFM ont été installées  soit un taux de réalisation de 100%.26 PTFM solaires sont en cours de réalisation dans le cadre de la mise en œuvre du PUDC.

C’est l’occasion de faire appel à tous les partenaires techniques et financiers, aux sociétés d’Etat  et entreprises privées pour soutenir les activités du programme pour le mieux-être des populations rurales notamment les femmes des zones enclavées.

 

Quels sont les effets de ce programme sur le développement à la base?

AWILI Prénam : La disponibilité des services énergétiques sur place ;

  • Le développement des AGR avec la création de nouvelles entreprises
  • L’augmentation des revenus des femmes qui passent de 500 FCFA à 300 000 FCFA à travers les AGR et les revenus générés par la plateforme (35% des ménages au moins) ; ce qui n’est pas sans incidence sur l’amélioration des conditions de vie des ménages (alimentation, éducation, santé, etc.)
  • L’accès des femmes aux micro- crédits grâce aux bénéfices générés par la plateforme ; ces crédits varient entre 5000 FCFA et 30 000 FCFA pour financer leurs AGR.
  • L’amélioration du statut de la femme au sein du ménage et de la communauté : grâce aux activités du projet et au fil du temps, les femmes constatent souvent que leur statut au sein du ménage s’améliore. Les maris admirent ce que leurs épouses ont pu accomplir et leur contribution financière aux charges du ménages’accroit. Les femmes ont plus de voix, en particulier sur la façon dont le revenu du ménage sera dépensé.
  • L’amélioration de la participation des femmes à la prise de décision et au débat démocratique :la plupart d’entre elles acquièrent une meilleure estime ; ceci parce que le forum des groupes leur donne une chance de promouvoir leurs points de vue dans un cadre confortable et parce qu’elles se rendent compte qu’elles développent leur pouvoir financier. Certaines femmes deviendront également leaders de leurs groupes (présidente, secrétaire, trésorière, etc.), et elles développeront leurs compétences en leadership; ce qui peut se traduire par une plus grande influence et un rôle plus accru dans la communauté.
  • La création des emplois directs et indirects : au moins 2000 emplois créés  (emplois directs  et emplois indirects)
  • Le renforcement de la cohésion et de l’entraide féminine.

 

Quelles sont les perspectives du programme pour l’année 2017 ?

AWILI Prénam : Comme perspective, nous voulons procéder à l’installation d’une cinquantaine de PTFM solaires fonctionnant à 100 % à l’énergie solaire et également à l’hybridation de quelques PTFM à titre expérimental (diésel / solaire) ;

 

Quels sont les défis du programme ?

AWILI Prénam : La mobilisation des ressources financières : C’est le principal défi qui reste un casse-tête chinois aussi bien pour les autorités du Ministère de tutelle que pour l’équipe de coordination. En effet, le programme n’a pas de fonds propres. Il fonctionne principalement sur les fonds que l’Etat à met à sa disposition. Mais vu les nombreux chantiers qui constituent la priorité de l’Etat, les fonds d’investissement que l’Etat met à disposition par année pour mener les activités du programme, se révèlent de loin très insuffisants pour répondre aux ambitions du programme. Or, le passage à l’échelle du programme  ainsi que l’impératif de promotion et de vulgarisation des énergies renouvelables sur les entreprises PTFM, nécessitent un financement conséquent.

 

La transition vers les Energies Renouvelables : la principale source d’énergie utilisée jusqu’ici sur les PTFM est le gasoil ; or l’accroissement exponentiel de nos besoins en énergie, l’amoindrissement continuel des réserves d’énergie fossile, en particulier le pétrole et le gaz, ainsi que  l’impact de leur utilisation sur l’environnement, nous impose d’opter pour la promotion et le développement des énergies renouvelables.

 

L’alphabétisation des exploitantes PTFM : l’alphabétisation fonctionnelle vise à travers l’acquisition de compétences instrumentales (lire, écrire et calculer), à contribuer au renforcement des capacités des femmes bénéficiaires des plateformes multifonctionnelles, en vue de la prise en mains de leurs rôles et responsabilités au sein des Comités Féminins de Gestion. C’est un outil indispensable pour assurer la participation efficace des femmes, l’appropriation et la pérennisation des acquis du projet.

 

La promotion des AGR rentables et l’entreprenariat rural : il s’agit d’inscrire la Plateforme dans la dynamique de développement économique local. Il faut  renforcer les capacités entrepreneuriales des femmes gestionnaires des PTFM dans la transformation des produits locaux, la fabrique de glace, la recherche de débouchées et des partenaires commerciaux etc. Il est question donc de doter les exploitants des outils nécessaires pour une gestion efficace et efficiente des AGR, des micro- entreprises et autour des PTFM.

 

Pourquoi une composante plateforme pour le PRADEB alors que le programme national plateforme multifonctionnelle l’exécute déjà ?

AWILI Prénam : La composante PTFM gérée par le PRADEB répond à une disposition exigée par la BOAD. En effet au moment de la négociation qui a abouti au financement des 200 PTFM, la BOAD avait souhaité et obtenu une gestion autonome suivant les procédures administratives de la banque. Ce qui a justifié la mise en place d’une équipe par la BOAD, pour gérer non seulement les PTFM préconisées, mais aussi pour prendre en compte d’autres composantes qu’elle finance comme l’entreprenariat des jeunes et le financement des groupements d’Intérêt Economique (GIE) ; C’est cette équipe qui est le PRADEB (Programme d’Appui au Développement à la Base).

Néanmoins la gestion de la composante PTFM par le PRADEB se fait sous la supervision et l’expertise de la Cellule de coordination du Programme National de développement de la Plateforme Multifonctionnelle qui a mandat pour l’installation et de la mise en marche des PTFM au niveau national.

Merci Madame la Coordinatrice pour tous ces éclairages

AWILI Prénam : C’est plutôt moi qui vous remercie pour l’intérêt que vous porter à notre programme

 

Source : Togo Réveil

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