Search
Close this search box.
Search
Close this search box.

Le chômage et le défi de l’emploi des jeunes au Togo

Dr. Koffi SODOKIN

L’emploi des jeunes représente, aujourd’hui, un enjeu majeur pour le Togo. Le Gouvernement  reconnaît même la menace que représente l’augmentation du chômage des jeunes pour la paix et la stabilité. Quels sont les paramètres de cet enjeu ? Quels sont les éléments d’explication de la situation actuelle en rapport avec l’emploi des jeunes ? Quelles sont les réponses du Gouvernement et quels sont les défis futurs ?

Enjeux 

Selon les données de l’enquête QUIBB 2006, le taux de chômage était de 6,8% pour l’ensemble de la population contre 9,0% pour les jeunes de 15-35 ans.  En 2011, la même enquête révèle une légère baisse du taux de chômage qui s’établit à 6,5% pour l’ensemble de la population contre  8,1% pour les jeunes.En bref, plus de 400 000 jeunes sont, à l’heure actuelle, en situation de chômage et de sous-emploi.

Tableau : Evolution du taux de chômage et de sous-emploi : 2006-2011 au Togo

Milieu de résidence 2006 2011
Taux de chômage Taux de sous-emploi Ensemble Taux de chômage Taux de sous-emploi Ensemble
Urbain 14,3% 24,2% 38,5% 9,7% 19,2% 28,9%
Rural 2,9% 27,0% 29,9% 2,8% 26,9% 29,7%
15-35 ans 9,0% 25,5% 34,5% 8,1% 20,5% 28,6%
Total 6,8% 26,1% 32,9% 6,5% 22,8% 29,3%

Source : QUIBB, 2006-2011

 

Le diagnostic posé par le Plan Stratégique National pour l’Emploi des Jeunes (PSNEJ) révèle que, dans le détail, que le taux de sous-emploi est de 26,1% en 2006 et de 22,8% en 2011. Selon le sexe, ce taux est de 23,1% pour les hommes et 22,4% pour les femmes (QUIBB, 2006, 2011). On note également que selon la nature de l’emploi, les écarts sont importants. Par exemple, selon la nature de l’emploi, le milieu de résidence, l’âge, la région et le niveau d’instruction. Ainsi, en 2006 par exemple, 69,5% des personnes sous-employées travaillaient à leur propre compte. Le niveau de sous-emploi enregistré était d’un maximum de 43,7% dans la région des Savanes à un minimum de 17,8% observé dans la région des Plateaux (QUIBB 2006).

Cette situation peu réjouissante prévaut depuis près d’une vingtaine d’année sans qu’aucune ne politique, aucun plan pour l’emploi, ne soit parvenu à l’améliorer.

 

C’est ce défi que la politique nationale de l’emploi, accompagnée d’un programme emploi jeune, adoptée par le Gouvernement au cours du mois de février 2014  cherche à relever.

Pour comprendre le problème, il est utile de commencer par analyser la situation d’ensemble de l’emploi des jeunes au Togo.

En effet, tous les jeunes qui ne sont pas en emploi ne sont malheureusement pas pour autant en éducation ou en formation. Nombreux sont ceux qui sont au chômage, voire inactifs. Cette population est en situation de grande précarité et rencontre les plus grandes difficultés d’insertion dans l’emploi.

Dans le récent Plan Stratégique National pour l’Emploi des Jeunes (PSNEJ) adopté par le Gouvernement en février 2014,  1,5 millions de jeunes sont demandeurs sur le  marché de l’emploi pour une offre d’emplois jeunes d’environ 1,4 million de postes  sur une population totale jeune (15 à 34 ans révolus) de 2,1 millions.

 

Graphique : Offre et demande d’emplois jeunes (2008-2012)

image001 - Le  chômage et le défi de l’emploi des jeunes au Togo

Source : Plan Stratégique National pour l’Emploi des Jeunes, Togo, 2013

Cette situation n’est pas singulière au Togo. Dans un récent rapport publié par la Banque Mondiale, au tout début de l’année 2014,  sur la situation de l’emploi des jeunes en Afrique Subsaharienne, on y note que le chômage des jeunes n’est que de 3%. La situation sous régionale semble meilleure  comparativement à celle du Togo où le taux de chômage s’évalue  à 6,5%. Cette situation va être de plus en plus préoccupante, si rien n’est fait par rapport à l’augmentation de la population jeune. Le rapport de la Banque Mondiale mentionne que chaque année,  entre 2015 et 2035, il y aura chaque année 500.000 jeunes de quinze ans de plus que l’année précédente.

 

Normalement, au regard de ces taux, il ne devrait pas y avoir de problème. En théorie, ce sont  des taux proches du plein emploi. Mais, où se trouve donc le problème ? Disons le tout de suite, il se trouve au niveau du sous-emploi. Au Togo, ce taux est estimé à 20,5% pour les 15-34 ans révolus. Lorsqu’on ajoute à ce taux, celui du chômage qui est de 8,1%, on se retrouve très rapidement avec un taux combiné de jeune sans emploi décent de 28,6%. Ce qui reste élevé.

Comment s’explique cet état de fait ?

Pour comprendre ce qui se passe, il faut savoir où se trouve les opportunités d’emplois en Afrique Subsaharienne.

Le rapport de la Banque Mondiale  (op.cit.) révèle qu’environ 16 % de ceux qui travaillent en Afrique Subsaharienne  ont des « emplois salariés», c’est-à-dire des emplois pour lesquels ils perçoivent un salaire régulier, et parfois d’autres prestations complémentaires.  Le secteur industriel (minier, manufacturier et construction) représente moins de 20 % des emplois salariés (environ 3 % du total des emplois). Les emplois restant se trouvent dans les exploitations agricoles familiales (62 %) ou les entreprises familiales (22 %), qui ensemble peuvent être décrites comme le secteur informel. Sans dans cette dernière catégorie qu’on retrouve la plus grande partie des jeunes togolais, diplômés ou non. On y retrouve très souvent de nombreux qui pratiquent le métier de « Taximan moto »  ou « zémidjan » ou encore de nombreux autres métiers comme par exemple celui de vendeurs de produits pétroliers frelatés avec  parfois des diplômes du supérieur. On les y dénombre très souvent comme des jeunes en sous-emploi. Que faire face à cette situation ?

La réponse du Gouvernement Togolais

Le Gouvernement Togolais est conscient de la problématique de l’emploi des jeunes et de son coût présent et futur aussi bien sur le plan économique, social et politique. Il convient donc au Gouvernement de matérialiser au plus vite  ses ambitions d’accélération de la croissance et de réduction sensible du taux de chômage et de sous-emploi comme prévu dans la SCAPE. Pour ce faire, il s’est avéré un besoin de mettre en place une plateforme multi acteurs de plaidoirie et de mobilisation de financement ainsi que de politiques attractives des investissements et incitatives aux affaires. Sur ce plan, le diagnostic établi indique que des efforts complémentaires devront être déployés en vue notamment d’améliorer davantage le climat des affaires au Togo, afin d’attirer plus d’investissements, de consentir plus de ressources à des domaines plus générateurs d’emplois, et d’améliorer les performances en matière d’utilisation et d’absorption des ressources publiques. L’objectif est d’arriver à maintenir, voire même améliorer le niveau de mobilisation des investissements tant publics que privés jusqu’à atteindre plus de 20% de taux d’investissement par rapport au PIB ; soit de l’ordre de 450 à 530 milliards de FCFA. En ce sens, le secteur privé devrait pouvoir investir autour de 300 et 400 milliards par an, soit 2/3 de l’investissement souhaité, à l’horizon 2017. Le résultat escompté serait de réduire le taux de chômage et de sous-emploi des jeunes de 28,65% en 2013 à 24,3% en 2017.

 

Dans la même ligne d’idées, il s’est avéré que la qualité de la gouvernance du secteur emploi des jeunes dépendra d’une part, de la capacité d’impulsion et de coordination des différentes interventions dans le secteur de l’emploi des jeunes et d’autre part, de la capacité des administrations dans tous les secteurs concernés de formuler et de mettre en œuvre des politiques appropriées favorables à créer de manière efficace et durable des emplois décents en faveur des jeunes. Cela concernera les volets adéquation emploi formation, l’évaluation et l’ajustement des mécanismes de facilités existants (tel que la zone franche), en vue de les rendre plus performants en matière de création d’emplois ainsi que la promotion de nouveaux mécanismes de partenariat avec le secteur privé, la promotion de mécanismes d’intervention à haute intensité de main d’œuvre dans tous les plans sectoriels d’investissement du pays, assortis de mécanismes de suivi-évaluation.

 

C’est par rapport au premier type de défis (macro-économique et organisationnel) que le premier axe de la PSNEJ a été défini. L’axe 1 « Plaidoirie et promotion de  politiques sectorielles de qualité intégrant l’emploi des jeunes »  préconise la mise en œuvre du concept de « COALITION POUR L’EMPLOI DES JEUNES » qui a été développé en 2012 avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD-Togo).

 

 

Dans le cadre de l’axe 2 relatif à l’« amélioration de l’employabilité des jeunes » l’objectif est de développer les compétences des jeunes demandeurs d’emplois à travers le renforcement des capacités d’intervention du Programme de promotion de Volontariat National (PROVONAT). Le principal résultat escompté est d’évoluer d’un statut d’une unité de gestion à une agence. Le nombre de jeunes recrutés dans le cadre du PROVONAT d’environ passerait d’environ 3 900 en 2013 à 15 000 en 2017.

 

L’axe 3 vise le « renforcement de la capacité à l’auto-emploi ». A travers cet axe, il s’agit de favoriser le développement de la culture entrepreneuriale et l’emploi indépendant chez les jeunes, mais également de relever les défis auxquels ils font face dans la création de leurs micro-entreprises. Il est envisagé de créer 1 000 PME tous secteurs confondus d’ici 2017 grâce aux Fonds d’investissement national autonome (FINA) dont la mise en place est prévue dans l’axe 5 et 1100 PME rurales grâce au Programme National de Promotion de l’Entreprenariat Rural (PNPER) sur la période 2014-2019.

 

L’axe 4 concerne la « diversification, la reconversion et la réduction du sous-emploi ». Il vise à résoudre le problème de compétences des jeunes, à favoriser le développement d’emplois alternatifs, et à prendre en compte la situation des jeunes sans qualification souvent oubliés dans les différents programmes jusqu’ici mis en œuvre.

 

L’axe 5 concerne le renforcement de la « promotion de l’accès au financement des jeunes ». Sous cette rubrique il s’agira de mettre en place un mécanisme innovant de financement (Fonds d’Investissement National Autonome – FINA) permettant de lever des ressources plus abondantes et prévisibles et de renforcer les capacités d’intervention du FAIEJ et de l’ANPGF en matière d’appui des initiatives économiques des jeunes, y compris l’appui aux PME/PMI. Au total, l’ambition est d’arriver à créer au moins 1000 PME/PMI en l’espace de cinq ans.

Le lancement en janvier 2014 du Fonds National pour la Finance Inclusive (FNFI) est une démarche salutaire à cet effet même si pour le moment elle cible essentiellement les femmes.

 

Les défis dans les années à venir

 

On retient en lisant le rapport de la Banque Mondiale que deux défis permettraient d’ouvrir des trajectoires vers des emplois productifs. Il s’agit du défi en rapport avec le capital humain et de celui de  l’environnement des affaires. Du côté du capital humain, il s’agit de capitaliser les atouts en rapport avec  les capacités, l’éducation, les compétences, les liens familiaux, les réseaux et d’autres caractéristiques ancrées dans un individu et qui lui permettent de trouver des opportunités d’être productif, d’augmenter et de sécuriser ses revenus. Par rapport à l’environnement des affaires, il s’agit de mettre en place les conditions nécessaires pour maîtrises les facteurs hors du contrôle immédiat du travailleur et qui affectent la productivité (accès à la terre, capital et finance, infrastructures, technologie et marchés), ainsi que les politiques gouvernementales, les règlementations et programmes susceptibles d’influencer le choix de l’activité économique et la réalisation de l’activité.

 

En dehors des deux points précédents, trois autres défis restent à relever notamment en rapport avec : (i) la refonte de l’enseignement professionnel  pour s’assurer de l’adéquation formation-emploi; (ii) le développement d’un programme pour les sans diplômes à l’instar de ce qui est fait pour les diplômés à travers le PROVONAT ; (iii) le Renforcement de l’accompagnement personnalisé vers l’emploi des jeunes en difficulté en leur offrant des perspectives de formations qualifiantes ; (iv) le développement de l’enseignement professionnel par alternance ( emploi/étude).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *